Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Historias Sudacas
10 mai 2008

Carnaval toda la vida

          La Bombonera no tiembla : late. La Bombonera ne tremble pas : elle vibre. Sensations garanties. La Bombonera, ce n’est pas une attraction à la mode de DisneyLand ou de la Foire du Trône, c’est bien moins sophistiqué et beaucoup plus sensationnel. C’est un stade de football, celui du club le plus populaire d’Argentine, et ce de source sûre. Ce n’est pas pour rien qu’on surnomme le public de Boca Junior la mitad más uno. Selon la légende, la moitié du pays plus une personne, soutient les bosteros, les boquenses, les xeneizes (traduction en argot de « génois », car la plupart des immigrés qui vinrent peupler le quartier il y a plus de cent ans étaient originaires du grand port italien), le club au couleurs bleues et jaunes, similaires à celles du drapeau suédois hissé sur un bateau qui débarqua au début du 20ème siècle dans le port de la Boca, quartier sud de Buenos Aires, et qui inspira les dirigeants du club en manque d’imagination pour trouver un coloris à leur maillot. Pour l’anecdote, bombonera signifie bombonière, le stade vu des air(e)s ressemblant à une boîte à bombons…

            En 2004, le magazine anglais The Observer dresse le classement des 50 évènements sportifs que l’on se doit de voir une fois dans sa vie. Numéro un : assister à un superclasico Boca-River à la Bombonera. Il fallait donc aller vérifier cela sur place. D’autant plus que l’enjeu pour le championnat est majeur. A sept journées de la fin du championnat, River Plate, le rival historique de Boca, est leader du championnat avec quatre points d’avance sur son ennemi juré. Las  gallinas -les poules- comme sont surnommés péjorativement les joueurs du River, en raison des couleurs de leur maillot, blanc paré d’une bande rouge, arrivent en forme à la Bombonera, et ils n’ont pas été battus depuis plus de 1000 jours par les xeneizes. Une éternité. Sur le terrain, des grands noms sont présents. A la baguette de Boca, Juan Román Riquelme, meilleur meneur de jeu du club depuis l’époque du grand Diego Maradona. Après quelques saisons passées en Europe -au Barça où il déçut, et à Villareal où il apparut sous un meilleur jour, emmenant presque à lui seul ce modeste club en demi-finale de la Ligue des Champions en 2006- ce grand nostalgique a décidé de poursuivre sa carrière au pays. En face, le numéro 10 de River fait aussi partie de la catégorie des successeurs de Diego. Ariel el burrito Ortega, après avoir lui aussi connu une expérience en demi-teinte en Europe (Valence et le Fenerbahçe de Turquie) finit sa carrière dans le club de son cœur, entraîné par el cholo Simeone, grand milieu défensif de la décennie passée, plaque tournante de l’Atletico de Madrid, de la Lazio de Rome puis de l’Inter de Milan.

            Cela fera bientôt un siècle que les deux clubs cultivent leur rivalité. Ils sont les deux plus supportés du pays, bien loin devant les trois autres « grands » du football argentin, l’Independiente, le Racing Avellaneda et le San Lorenzo de Almagro. Ce sont aussi les deux palmarès nationaux les plus éloquents. Boca, c’est 22 titres de champion d’Argentine, 6 copas Libertadores (l’équivalent sud-américain de la Champions League européenne), et 3 coupes intercontinentales. River comptabilise pas moins de 32 titres de champion national, 2 copas Libertadores, et une coupe intercontinentale remportée en 1986. Ces dernières années,  Boca compte plus de succès que son voisin, même si les « grands » se font de plus en plus souvent voler la vedette par des clubs plus modestes comme Estudiantes de la Plata ou Lanus, deux des derniers champions. Cependant, quelconque amateur de ballon rond sur la planète sait pertinemment qu’en terme d’adrénaline et de spectacle, rien n’est comparable à un superclásico.

            A l’entrée des joueurs sur la pelouse, en ce dimanche après-midi d’automne ensoleillé, un vacarme assourdissant retentit. Ce n’est pas un orage, ce sont les chants de la Doce, les membres des ultras de la Boca qui font trembler toute la tribune nord. La tribune sud puis tout le stade suivent et reprennent en cœur les chansons de la gloriosa numero doce.

Boca, mi buen amigo,

Esta campaña volveré a estar contigo

Te alentaremos, de corazón

Esta es tu hinchada que te quiere ver campeón

No me importa lo que digan,

Lo que digan los demás

Yo te sigo a toda parte

Cada vez te quiero más

            Un immense drapeau bleu et jaune recouvre l’intégralité de la tribune. Les papelitos et les ballons de baudruche bleu et jaune donnent au stade des allures de carnaval. Le début du match est repoussé de dix minutes pour nettoyer la pelouse envahie de papiers. En bas de la tribune sud, il faut mettre sa capuche pour éviter de recevoir sur la tête les jets de bouteilles remplies d’urine que lancent depuis tout en haut les ultras de River, échaudés d’avoir vu leurs joueurs accueillis par des jets de plumes et de maïs à la sortie du car. Battaglia ouvre le score de la tête sur un corner de Riquelme. Le stade exulte, 50 000 spectateurs commencent à chambrer les 5000 téméraires supporters du River qui ont fait le déplacement.

Las gallinas són así,

Son las amargas de la Argentina

Cuando no salen campeón,

Esas tribunas están vacías

Yo soy de Boca señor,

Cantemos todos con alegría

Aunque no salgas campeón,

Mi sentimiento no se termina

Y dale bo, y dale dale boca,

Y dale bo, y dale dale bo…

            Ils devront se résoudre à repartir du stade bien tristes. Une seule occasion en 90 minutes, une tête au-dessus de l’Uruguayen Abreu, c’est trop peu pour s’imposer à la Bombonera. Score final : Boca 1, River 0. Pendant plus d’une demi-heure, après le coup de sifflet final, le stade va rester rempli : la fête continue, les chants se multiplient, tout le monde bouge dans tous les sens, seules les tribunes restent immobiles. Mais on ressent quelque chose de particulier, qu’on ne perçoit pas ni au Nou Camp de Barcelone, ni à Anfield Road, le stade de Liverpool : le stade vibre. Les mouvements de mains de chacun des supporters semblent parfaitement coordonnés, et c’est comme si on entendait qu’une seule voix sur le terrain.

¿Por qué será

que te sigo a todas partes Campeón?,

¿por qué será
que no sé vivir sin vos?,
Carnaval toda la vida, el xeneize es la pasión,
si no te veo se me parte el corazón.

            Boca n’est plus qu’à un point des leaders du championnat, et est toujours en course pour  garder son titre de champion de la Libertadores. La boîte à bombons peut continuer d’exploser.

DSCN0990

DSCN0998

DSCN1002

Publicité
Publicité
Commentaires
Historias Sudacas
Publicité
Publicité